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JPF 75 - Les jeunes avec Villiers
9 janvier 2007

Comment Sarkozy et Royal imposent leurs conditions aux chaînes télévisées

Débat" est leur mot fétiche. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal l'évoquent à tout propos. Ils disent vouloir écouter et se soumettre aux salutaires interpellations des citoyens. Dans la pratique, c'est autre chose.

Les candidats ont intégré toutes les contraintes de l'audiovisuel et surtout son impact sur l'opinion. Ils arrivent bardés de conseillers en communication et négocient leurs apparitions dans les moindres détails avec les chaînes. Pour préparer "A vous de juger", le 30 novembre sur France 2, Nicolas Sarkozy a ainsi posé ses conditions. Il voulait avoir le temps d'exposer sa candidature et présenter son projet politique sur quatre thèmes : l'emploi, la sécurité, l'immigration, l'école. Demande acceptée par la chaîne. "Nous voulions être les premiers à faire une grande émission avec lui, après sa candidature, et les thèmes qu'il voulait aborder sont aussi ceux qui intéressent les Français", souligne Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2.


Le ministre candidat souhaitait aussi débattre avec un syndicaliste. François Chérèque (CFDT), Jean-Claude Mailly (FO), Bernard Thibault (CGT) ont été sollicités par France 2. Les trois ont décliné l'offre. Un socialiste, alors ? Cette fois, c'est Nicolas Sarkozy qui ne le souhaitait pas. "Il les a déjà tous eus face à lui, affirme l'entourage du président de l'UMP, et il voulait débattre avec des Français."

Selon le principe de l'émission, l'équipe a donc réuni une douzaine de personnes - chef d'entreprise, chômeur, jeune de banlieue... - pour qu'ils interpellent le candidat. Elle leur a adjoint un magistrat et un journaliste du Nouvel Observateur censés représenter la gauche.

" Les discussions avec Nicolas Sarkozy et son équipe ont été plutôt faciles, explique Nathalie Saint-Cricq, rédactrice en chef de l'émission. Nous avons connu des époques beaucoup plus compliquées." L'émission a été un succès d'audience : 24,2 % de part de marché à 20 h 50, 41,8 % à 23 heures.

Sur France 5, Serge Moati a dû, lui aussi, composer. Cette fois, avec Ségolène Royal. La candidate socialiste était l'invitée, le 17 décembre, du magazine "Ripostes". Elle est arrivée avec ses conseillers et ses conditions. "Elle ne voulait pas un débat agressif et politicien, explique Julien Dray, son porte-parole. Ou alors avec une grosse personnalité comme Jean-Pierre Raffarin, François Fillon ou Alain Juppé."

Las, les trois hommes ont décliné : pas question d'apparaître en faire-valoir de Ségolène. Serge Moati et son équipe ont alors sollicité Valérie Pecresse, porte-parole de l'UMP. "Trois jours plus tard, affirme cette dernière, on m'a rappelée pour me dire que Mme Royal ne voulait plus de moi, parce qu'elle ne souhaitait pas un débat trop agressif."

Les députés Nadine Morano et Patrick Devedjian, proposés par "Ripostes", ont également été récusés. "La candidate voulait parler d'écologie, explique la production. Nous nous sommes donc accordés sur la présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, en charge de ces questions à l'UMP."

Est-il normal qu'un candidat choisisse ses contradicteurs ? "En fonction des thèmes abordés, il me paraît compréhensible qu'il y ait des interlocuteurs avec lesquels mon invité a envie ou pas de débattre", affirme Serge Moati. Mais le producteur reconnaît que "chacun a aujourd'hui de multiples préoccupations : aborder tel ou tel thème, débattre avec l'un, éviter d'être trop agressé par l'autre, n'accepter que des interlocuteurs "d'un certain niveau"". Pour autant, souligne-t-il, le très grand soin apporté par ses invités n'a pas empêché Ségolène Royal "d'être interpellée sans ménagement par Jean-Louis Bourlanges".

Il n'empêche, les chaînes se plient de plus en plus aux règles édictées par les deux favoris des sondages. "Les débats d'aujourd'hui incarnent parfaitement la culture politique et médiatique française, souligne Mickaël Darmon, journaliste politique à France 2. On reste ainsi dans un système d'adoubement, très encadré."

Les conseillers en communication ont d'ailleurs si bien intégré les lois de l'audiovisuel qu'ils en ont adopté le vocabulaire. Ils parlent désormais de "séquences" et de "story board", comme les scénaristes de feuilletons télévisés.

Raphaëlle Bacqué
Journaliste au journal Le Monde

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